La cuisine provençale est profondément enracinée, telle un olivier solidement ancré dans la garrigue et accroché aux pentes des collines, bercée par les vagues de la Méditerranée et secouée par le mistral. Attachée à l'un des terroirs les plus séduisants de France, cette gastronomie explose en bouche, mettant en valeur les trésors locaux, héritage d'influences remontant à la Grèce antique.
En Provence, plus qu'ailleurs, la cuisine reflète un riche mélange de migrations, comme un mille-feuille élaboré au fil des siècles. Elle doit beaucoup aux explorateurs de tous horizons – marins espagnols, aventuriers portugais – sans qui elle serait appauvrie, privée de ses tomates, aubergines, courgettes, artichauts, haricots, riz, pâtes, pois chiches, fraises ou pommes de terre... Sans eux, il n'y aurait ni ratatouille, ni d’aïoli, et encore moins de soupe au pistou, de panisse ou de merda di cane ! Des plats riches en saveurs, défendus par des artisans passionnés qui montrent, jour après jour, que la cuisine française de caractère a encore un bel avenir devant elle.
Au Lavandou, Raymond Vial est le roi de la bouillabaisse depuis bientôt soixante ans. Le feu crépite dans la cheminée. La soupe de poisson est cuite sur la flamme dans des marmites comme autrefois. "Ce n'est pas pour le folklore, explique l'aubergiste. C'est comme cela que faisaient les pêcheurs. La raison est simple, il n'y a pas mieux qu'un feu de bois pour provoquer une ébullition rapide, et c'est le secret d'une bonne bouillabaisse". La qualité des poissons achetés auprès des pêcheurs locaux fait le reste. Gallinettes et rascasses sont à la fête.
Ces courgettes méditerranéennes sont comme des boules de pétanque avec toute la légèreté qui les caractérise dans l'assiette. La verte mouchetée de neige est la ronde de Nice, et la jaune, une cousine plus récente. Elles sont toutes désignées pour être farcies, comme il est d'usage sur la promenade des Anglais et alentour.
Le bateau de Steve Geneste est amarré au port de la Coudoulière, près de Toulon. Juste devant, sur le quai, sa femme Cindy, vend le poisson du jour. À la belle saison, le thon rouge de Méditerranée est en bonne place sur l'étal. Steve le pêche à la ligne, et pour mieux respecter la ressource, des quotas limitent le nombre de prises annuelles. La veille, Steve était sorti "caler" la palangre, un solide filin émaillé d'hameçons garnis d'un appât. La ligne dérive selon les courants marins, et les thons mordent ou pas. Quatre balises permettent au pêcheur de suivre les mouvements de la palangre longue de 15 km et ses 360 hameçons. Une vingtaine de thons ont mordu ce jour-là. "Parfois, ce n'est aucun" tempère le pêcheur qui ne doit pas dépasser le quota annuel alloué, sous peine de lourdes amendes. Au port, à l'heure de la débarque, un agent de l'État est souvent en faction pour contrôler la cargaison.
De Saint-Tropez à Bandol, des marins écrivent depuis des siècles l'histoire des pointus, ces petites embarcations en bois depuis lesquelles ils jettent leurs filets dans la Méditerranée avec une technique qui leur est propre. Réunis dans des prud'homies, syndicats dans chaque port, ils gèrent collectivement la ressource.
C'est dans un ancien chai de vigneron que Lolita Roche a installé son alambic. Esprit libre et pétillant, la jeune femme fabrique sa propre "gnôle" à partir des vins de l'arrière-pays varois. À dessein, celui d'une éthique radicale, elle se complique la tâche. Car la réglementation ne lui facilite pas son entreprise. En effet, dans l'Union européenne, pour fabriquer du gin ou du pastis, et pouvoir l'écrire en toutes lettres sur l'étiquette, le distillateur doit acheter de l'alcool neutre dit "surfin" titrant 96°. Cette matière première est produite à partir de céréales, de pommes de terre, de betteraves ou de vin (sans origine précise). Lolita, ne voyant pas bien l'intérêt de fabriquer du pastis ou du gin local avec de l'alcool provenant de Pologne, ou encore de plus loin, distille sa propre gnôle avec les vins bios d'à côté et des herbes aromatiques qu'elle cueille dans les collines. Seulement voilà, elle ne peut pas écrire, sauf à être dans l'illégalité, gin ou pastis sur l'étiquette. Avec un brin de poésie, elle a trouvé la parade lexicale. Chez Sentema, on achète du "Mes Pas se Tissent" et du "Maginstère"».
À Correns, village bio depuis une trentaine d'années, les vignerons (dont un certain George Clooney) ne font pas exception, ils étaient même les pionniers de cette aventure unique. Ils viennent de passer en biodynamie. Rassemblés dans une petite coopérative, ils produisent des vins de très belle qualité à prix sages.
Dans la Crau humide, Florent Lupi Chapelle élève des taureaux de race pour les courses camarguaises. Nourris à l'herbe et au foin de Crau (AOP), ces animaux impétueux sont destinés à la boucherie quand ils ne sont pas doués pour le spectacle. Leur viande est servie au restaurant de la manade en gardiane et en grillades.
À la Ciotat, Grégory Orsini est comme un Ulysse au pays des abeilles : aventurier et guidé par les Dieux (au singulier en ce qui le concerne). Ses ruches sont posées au bord de la Grande Bleue et les butineuses explorent la variété des fleurs de la côte. L'apiculteur en tire un miel fruité et d'une belle délicatesse.
Du Moyen-Orient, à la Grèce, l'Italie, le nougat gagna la France par le port de Marseille. Il n'est pas encore blanc, mais de la couleur du miel caramélisé, presque noir, et dur comme le sucre cristallisé. Nostradamus, le confiseur de Saint Rémy de Provence, le désigne comme le "pignolat" car il est à base de pignons de pin. Dans son célèbre Traité d'Agriculture (1600), Olivier de Serre décrit déjà presque la recette actuelle : "battu jusqu'à ce qu'il soit blanc" et recuit avec du blanc d'œuf. Chez les Jonquier, à Ollioules, près de Bandol, depuis 1885, les générations se succèdent, et la recette du nougat noir ou blanc - l'un des treize desserts du Noël provençal - n'a pas changé. Cette confiserie aux amandes est, pour le blanc, à base de miel de lavande, de sucre et de blanc d'œuf (transformé en meringue à l'italienne). Le nougat noir, lui, est simplement un miel caramélisé avec des amandes.
La Bourjassotte noire est une variété de figue cultivée autour de Solliès-Pont (AOC depuis 2006). À maturité, sa chair brillante possède le parfum et le goût de miel. À découvrir sur les marchés de Provence à partir de la mi-août.
À Esparron de Pallières, joli village perché proche des Gorges du Verdon, les vignes de Myrko Tépus, plantées à 460 mètres d'altitude, donnent des vins d'une fraîcheur inhabituelle pour la région, surtout le rouge avec 100 % de carignan.
À Folcalqueiret, à "l'âne rit aux Desparouches"Pilou et Sandra, de glorieux paysans boulangers, fabriquent de beaux pains rustiques à partir de blés anciens et un gibassier, une spécialité toute provençale, à l'huile d'olive, des zestes de citron, d'orange et de bergamote.
Au moulin de Lou Redoun, à la Verdière, dans l'arrière-pays varois, chez Jean Luc Trouillot, il y a des oliviers, des vignes, des légumes et même des vaches. Tous sont logés à l'enseigne du respect de la nature. Son huile d'olive est un équilibre très réussi entre la douceur et un fruité vert ardent.
Huitres de la baie de Tamaris et poissons cuisinés sont au menu de La cabane Giol de cet ostréiculteur de la Seyne-sur-Mer.
Jean-Christophe Giol, aussi intrépide que chaleureux, est l’un des derniers à élever des huîtres dans la baie de Tamaris. Dans cette petite mer logée au fond de la rade de Toulon, il fut un pionnier à faire pousser les bivalves sur des cordes immergées. Comme l’homme a la passion des beaux produits, ses huîtres charnues ont reçu l’assentiment de nombreux chefs étoilés en Provence. A la belle saison, il sort les tables sur la terrasse, sa cabane à huîtres devient alors un restaurant avec vue les montagnes varoises. Comme l’ostréiculteur aime cuisiner, le menu ne se contente pas des seuls coquillages : il aligne les plats de poissons (qu’il lui arrive de pêcher) comme ce tartare de thon rouge inspiré par son ami Fabien Ferré, le nouveau chef trois étoiles de l’hôtel du Castellet.
Tartare de thon rouge au sésame, de Jean-Christophe Giol
La recette pour 4 personnes
Préparation : 10 min
Ingrédients :
Réalisation de la recette :
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